Il s'était attribué mensongèrement la gloire de la bataille de Fallzö, cette brillante victoire contre les colons zollernois qui libérerait le Cözland. Il avait reçu d'une puissance étrangère mourante des fonds très importants afin de destabiliser la jeune démocratie de son pays. Pour ce faire, il avait réuni la pire collection de brutes qu'il pût trouver : trafiquants, anciens tortionnaires ou collabos et hommes de toutes les idéologies les plus réactionnaires : néopaganistes, antirépublicains, tous se haïssant mais se rejoignant dans une haine commune des médias, de la franc-charpenterie, de la laïcité et de la démocratie. En prononçant les plus ignobles discours, il avait su se porter à la tête de cette lie d'aventuriers et fondé le parti d'extrême-droite "Association des Citoyens Cözlandais pour la Liberté" (ACCL). Il avait commandité des assassinats de nombreux opposants à son mouvement. Avec le concours de son second, le brillant Rupert Volcvjik, il avait gravement troublé la vie de son pays.
Enfin, lorsque le Cözland se trouva désorganisé, loin de le "sauver" fût-ce en le vouant à la plus féroce des dictatures, il préféra profiter de l'occasion pour en voler la richesse nationale. Après avoir brûlé une montagne de papiers compromettants, il prit soin de "réquisitionner" un avion, d'y emmener quelques partisans et surtout tout l'or qu'il put emporter de la banque nationale, ainsi que des devises étrangères qui avaient enrichi son parti et constitué sa propre fortune. Il se fit faire un passeport aldénien au nom de Gaétan de la Gautière. Alors, il quitta sans un regard le Cözland, sa terre natale, celle qui lui avait tant donné et qu'il avait trahi. Seul lui importait de poursuivre quelque part dans le micromonde ses plus sombres machinations.
Mais qu'allait-il faire au Bangana, ce pays du Continent Sud victime de la néo-colonisation et dont la richesse était détournée par des dirigeants corrompus ?
Même si Gaétan de la Gautière (en fait Gautiör Gaötan) espérait y voyager relativement incognito, ce n'était sûrement pas, quoiqu'il pût dire, pour des buts humanitaires. Il avait une idée derrière la tête. Évidemment, il ne pouvait continuer sur le même registre "politique" que précédemment, il lui fallait d'abord étudier le pays et voir ce qu'il lui serait possible éventuellement de faire.
(Et puis il n'était pas assez fou pour avoir emmené avec lui tout son or. Il reviendrait peut-être plus tard le chercher si son plan machiavélique se déroulait comme prévu.)
Dès son arrivée à l'aéroport de Bombasha, de la Gautière demanda à rencontrer les plus hautes autorités en tant qu'homme d'affaire animé d'un élan "philanthopique". (Dans son esprit, cette proposition pouvait s'adresser à quel que représentant que ce soit des différentes factions banganèses contrôlant telle ou telle partie du territoire.)